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Non, je ne suis pas persuadé que notre abeille à miel soit réellement menacée de disparition... et si elle s'affaiblit, ce n'est peut-être pas uniquement pour les raisons couramment énoncées... constat, et pistes pour tenter de faire différemment.
Pourquoi je pense que l'abeille n'est pas réellement menacée?
Parce que l'homme a domestiqué l'abeille à miel, appelée Apis mellifera. Apiculteurs, pour beaucoup, nous savons élever des reines, faire de la sélection génétique, féconder les reines en laboratoire (pour les plus experts), nourrir les abeilles si elles ont faim... et les soigner si elles sont malades.
Donc nous savons renouveler notre cheptel en cas de pertes. Pertes dues aux pesticides qui peuvent les intoxiquer, à la diminution des espaces fleuris, à la multiplication des prédateurs, aux ondes magnétiques (cette dernière cause reste encore à prouver, lire mon étude). Et pour les apiculteurs qui ne maîtrisent pas les techniques pour renouveler leur cheptel, ils peuvent acheter des reines et des essaims à des apiculteurs spécialisés dans l'élevage.
Attention, je ne nie pas le problème des pertes liées aux causes que je viens d'énumérer, les temps sont durs pour les abeilles, c'est vrai. Bien qu'elles se soient adaptées, sans notre aide, depuis des millions d'années, elles ont de plus en plus de mal à le faire dans un environnement qui change trop vite en raison de notre activité humaine. Les apiculteurs sont donc indispensables en ce moment, pour les aider. Il y a encore cinquante ans nos “anciens” comme on dit, pouvaient souvent observer des colonies d'abeilles qui vivaient en pleine nature (dans des vieux troncs d'arbre par exemple, pas dans des ruches), des essaims sauvages! Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Et nous, apiculteurs, faisons malheureusement un peu partie du problème...
Le problème, c'est que pour se rémunérer, ou pour se régaler, la grande majorité d'entre nous entrons dans une logique qui tend à fragiliser l'abeille. Je pense que, sans forcément le savoir, nous affaiblissons les abeilles et les rendons trop dépendantes de nos soins. Pourquoi ? sans énumérer toues les causes, en voici quelques unes:
Le constat fait mal mais que faire ? Quand on doit en vivre c'est extrêmement complexe, voire impossible. Avec Happycultures j'essaye, très modestement, d'expérimenter des pistes, avec un modèle économique différent pour essayer de sortir de cette impasse. Je n'aborderai pas le modèle économique dans cet article, mais plutôt les pistes que ce modèle, je l'espère, permet d'expérimenter, d'explorer:
Sauver vraiment les abeilles en essayant de leur rendre leur autonomie... vers une apiculture durable, plus vertueuse:
Sans être des solutions miracles, je pense que ces pratiques peuvent contribuer à rendre aux abeilles leur autonomie, en les aidant à s' adapter à un environnement qui change très vite. Mais comment vivre de ce modèle ?
Modèle extensif, il faut éduquer les consommateurs sur la réalité de l'apiculture, pour les orienter vers une consommation plus raisonnable (moins et mieux), en connaissance de cause. Les prix du miel labellisé “durable” devront augmenter pour compenser une production plus faible (les étiquettes sur les pots doivent aussi être plus claires); Ces prix financeraient la sauvegarde des abeilles puisque le miel vendu sera produit plus "vertueusement". Le parrainage de ruches, l'idée est bonne, mais si on pousse un peu la réflexion... pourquoi payer pour parrainer des ruches gérées dans un modèle souvent intensif...? Le vrai parrainage ne serait-il pas d'acheter son miel “durable” plus cher en soutient d'une filière qui prendrait soin de l'abeille pour qu'elle retrouve son autonomie...? J'avoue cependant que l'augmentation du prix ne serait pas forcément suffisante pour rendre le modèle viable, il faudrait sans doute que les apiculteurs cherchent aussi à diversifier leurs sources de revenus...
Comme vous le voyez, ce sont des pistes pour réfléchir... je n'ai pas LA solution.
J'ai abordé dans cet article un problème très complexe dont nous, apiculteurs, sommes malheureusement prisonniers. Comme une fuite en avant, nous devons réfléchir à des voies de sorties vers du mieux pour tous, sans condamner telle ou telle pratique, car n'oublions pas quand même que grâce aux apiculteurs, nous avons toujours des abeilles... et du miel.